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Ali Hirèche, un pianiste à découvrir

Au début du mois de juillet dernier, alors que la pause estivale a, semble-t-il, remplacé l’agitation habituelle par une atmosphère légère et détendue, je prépare, nonchalemment installé à la terrasse d’un café, ma rencontre avec le pianiste Ali Hirèche. A ma grande honte, je n’avais jamais entendu ce musicien jusqu’à ce que je découvre quelques mois plus tôt son dernier CD consacré à des œuvres de musique espagnole paru chez Genuin classics. Pourtant un CD Brahms il y a une dizaine d’années et les 24 études de Chopin il y a trois ans avaient été très bien accueillis par la critique. Mais son nom visiblement tarde à s’imposer en France. Ce disque de musique espagnole avait attiré mon attention, non pas tant à cause des œuvres de Falla et Mompou, mais pour celles d’Antonio Ruiz-Pipó, professeur de piano à l’Ecole Normale de Musique de Paris – Alfred Cortot et dont on parlait beaucoup au temps de mes études dans cet établissement prestigieux.

En écoutant ce CD d’Ali Hirèche, j’avais été séduit par son jeu à la fois lumineux et réfléchi, d’une profondeur naturelle, non ostentatoire. Et le programme ne m’avait pas déçu. Les œuvres de Falla et de Mompou sont magnifiques et celle d’Antonio Ruiz-Pipó furent pour moi une découverte passionnante.

L’heure du rendez-vous approche et Ali Hirèche me retrouve, simple et souriant. A ma demande, il me raconte son parcours. Après avoir été initié au piano à l’âge de cinq ans par un professeur consciencieux, Ali Hirèche devient l’élève en cours privé d’Antonio Ruiz-Pipó. Les parents de l’enfant ont en effet senti que les dispositions du petit garçon étaient prometteuses et qu’il lui fallait un professeur à cette mesure. En parallèle, il s’inscrit au Conservatoire de Boulogne-Billancourt pour valider ses progrès par des diplômes officiels. Mais le père du jeune pianiste est muté en Italie, à Milan, et c’est à l’Academia di Imola que l’adolescent poursuit ses études de piano. « Là, j’ai d’abord travaillé avec une amie de Ruiz-Pipó qui était à la fois une élève de Michelangeli et la belle-mère de Maurizio Pollini que j’ai donc bien connu ».  A l’Académie, il est admis dans la classe de Riccardo Risaliti et a la chance de suivre des masterclasses avec Louis Lortie, Alexander Lonquich, Lazar Berman… Après son prix à Milan, Ali Hirèche passe quelques temps dans une célèbre académie située au bord du Lac de Côme, une académie de taille très réduite où tous les mois des masterclasses avec différents grands maîtres du piano sont proposées aux étudiants. « Ce que j’ai finalement le plus appris à ce moment, c’est, comme disent les Italiens, que “le vie del Signore sono infinite“, il fallait que je me fasse moi-même ma propre idée de la musique. Je pense qu’à un moment, il faut savoir arrêter ses études. Alors, je suis rentré à Paris mais, Antonio Ruiz-Pipó n’étant plus de ce monde, c’était auprès d’Aldo Ciccolini que, pendant plusieurs années, j’ai trouvé, ponctuellement, une oreille avisée pour m’écouter. »

L’idée de cet enregistrement revient à la veuve d’Antonio Ruiz-Pipó qui demanda il y quelques années à Ali Hirèche d’enregistrer quelques œuvres pour piano de son mari. Ventanas, Variaciones sobre un tema popular catalàn et Variaciones sobre un tema popular gallego furent composées à la fin de la vie du musicien, soit entre 1980 et 1997. « Je n’avais jamais étudié ses œuvres avec lui, sauf les études pour la main gauche mais que, pour des raisons de minutage, il n’a pas été possible d’inclure dans ce CD. Sachant que Ruiz-Pipó avait croisé Falla dans son enfance et rencontré Mompou à plusieurs reprises, le programme du disque prenait forme. A cette occasion, j’ai découvert le répertoire espagnol. Par coïncidence, un de mes élèves m’a apporté un jour les Impresiones intimas de Mompou et j’en suis littéralement tombé amoureux. Quant à la Fantasia Baetica de Falla, Ciccolini m’avait à plusieurs reprises conseillé de la jouer car il trouvait qu’elle ne pouvait que très bien m’aller. »

Le style de Ruiz-Pipó est assez difficile à définir. « Le folklore espagnol est évidemment une source d’inspiration principale, m’explique Ali Hirèche, mais il y aussi du Messiaen et du Mompou dans son écriture ; son langage est souvent polytonal, son écriture est linéaire, très coloré. On sent par ailleurs que la musique dodécaphonique ne l’a pas beaucoup attiré. »

Nous évoquons ensuite ses prochains rendez-vous. « Un concert salle Cortot le 5 octobre avec les Etudes de Chopin et les Variations Paganini de Brahms, un enregistrement Schumann à l’automne avec les Kreisleriana et les Davidsbündlertänze, un autre concert à la salle Cortot le 25 mars 2020 avec Mompou et Schumann au programme, des concerts en Italie où je vais régulièrement. »

L’entretien prend fin. Au moment de nous quitter, nous devisons sur une parole de Dmitri Bashkirov qui disait aux jeunes pianistes de ne pas faire de carrière car c’était invivable… à moins qu’ils ne conçoivent pas la vie sans piano. Ali Hirèche est de cette dernière catégorie. On sent en l’écoutant parler cet amour de la musique, cet amour du piano qui transparaissent avec évidence dans ses interprétations.

Frédéric Boucher, pour aubonheurdupiano.com, 30 septembre 2019

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Cette entrée a été publiée le 30 septembre 2019 par .
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