Jeux à la française est le titre du CD que la violoncelliste Armance Quéro et le pianiste Joseph Birnbaum, deux jeunes musiciens au parcours déjà impressionnant, ont enregistré récemment chez Etcetera. Vierne, Widor, Debussy, Escaich sont au programme de ce très beau disque.
Les œuvres de musique de chambre de Louis Vierne contiennent des chefs-d’œuvre qu’il est navrant d’entendre si peu dans les concerts et les enregistrements. La Sonate pour violon et piano, la Sonate pour violoncelle et piano et le Quintette avec piano sont pourtant des œuvres d’une grande valeur ! C’est donc avec bonheur que je découvre sur ce CD, très bien défendue par ces deux jeunes interprètes, la Sonate pour violoncelle et piano écrite en 1911 au moment où le célèbre organiste aveugle de Notre-Dame-de-Paris travaillait à sa Troisième Symphonie pour orgue. Cette sonate dans laquelle Vierne met une ferveur peut-être décuplée par ses déboires avec le Conservatoire qui l’ont tant blessé est à la fois romantique et fauréenne. Son deuxième mouvement est, selon les mots d’Harry Halbreich « l’une des cimes de toute la musique française ».
Les Trois pièces op.21 de Charles-Marie Widor, le célèbre organiste de Saint-Sulpice et grande figure du Conservatoire de Paris dès 1890, sont de très belles pages de salon que le jeu expressif d’Anne Quéro et l’accompagnement liquide de Joseph Birnbaum mettent merveilleusement en valeur.
La Sonate de Debussy, composée en quelques jours à l’été 1915 lors d’un séjour à Pourville alors que le compositeur tentait de reprendre des forces face à la maladie qui progressait inexorablement, avait initialement pour titre « Pierrot fâché avec la lune » ce qui annonce bien le caractère humoristique ou plus exactement sarcastique de cette œuvre hors norme qui, par ailleurs, contient des allusions aussi bien à la musique française du XVIIème siècle qu’à la musique espagnole avec mêmes quelques clins d’œil à Iberia, et que nos jeunes musiciens interprètent d’une manière particulièrement vivante.
Le CD se referme sur le Nocturne de Thierry Escaich, œuvre dont le titre « prend ici un sens métaphorique laissant supposer un regard noir, désespéré – nocturnal – sur le monde » pour reprendre l’excellente formule de Jean-François Boukobza dans le livret qui accompagne le CD.
Frédéric Boucher, pour Au bonheur du piano, 30 mars 2018
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