Pianiste, professeur de piano, accordeur, Stephen Paulello s’est également consacré pendant de nombreuses années à la restauration de pianos. En 1987, il se lance dans la fabrication d’un piano droit puis d’un piano à queue de concert en 1990. Mais Stephen Paulello ne manque pas d’idées et très vite le projet d’une remise en question globale de la construction d’un piano à queue de concert germe dans son esprit. En 2015, il achève l’Opus 102, un piano complètement révolutionnaire. Non seulement le clavier dispose de 102 touches au lieu de 88, mais comme l’explique Paulello, « plus rien n’est fait comme chez Steinway. Ni la table d’harmonie, ni la position du sommier […] ni l’accroche des cordes, ni le cadre, [..] ni le plan des cordes, ni la mécanique. Rien. »
Deux grands pianistes viennent de s’intéresser à ce nouvel instrument et l’ont utilisé pour enregistrer leur dernier CD.
L’intérêt de Cyril Huvé pour les pianos non conventionnels est bien connu, il a même été lauréat des Victoires de la Musique 2010 pour son enregistrement d’œuvres pour piano de Mendelssohn sur un piano Broadwood de 1840. Il n’est donc pas étonnant que ce nouveau piano ait excité sa curiosité. Il nous propose aujourd’hui sur ce CD intitulé Opus 102 (paru chez Evidence) un programme magnifique : la Sonate en si mineur de Liszt, trois Lieder de Schubert transcrits par Liszt, trois Préludes de Debussy, deux pièces de Scriabine, programme interprété par celui que Claudio Arrau considérait comme l’un de ses meilleurs continuateurs.
Le CD de David Bismuth (paru chez Ameson) s’appelle Beethoven et ses maîtres et comprend les 32 variations, les sonates Au clair de lune et La Tempête de Beethoven, les Variations en fa mineur de Haydn, et la Suite n°1 de Haendel. Nous retrouvons les qualités qui ont fait de David Bismuth un pianiste de premier ordre : son art du toucher, ses interprétations réfléchies et naturelles.
Mais, je dois l’avouer, si j’ai été sensible à quelques aspects du piano de Stephen Paulello, comme une certaine clarté des graves et des aigus, des crescendos époustouflants, une puissance orchestrale impressionnante, je ne me suis vraiment pas senti à l’aise avec la sonorité de ce piano que j’ai trouvé entêtante et trop dominante au point d’avoir l’impression qu’elle ne permettait pas au jeu des interprètes de réellement exister en tant que tel. Stephen Paulello n’avait-il pas raison de présenter son piano plutôt comme une opportunité pour les compositeurs d’aujourd’hui et de demain ? En tout cas, cette découverte mérite le détour et le débat est ouvert, notamment dans les commentaires si vous avez vous aussi écouter au moins l’un de ces deux CDs.
Frédéric Boucher, pour Au bonheur du piano, 11 janvier 2018
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