Le 17 octobre est une triste date pour les amoureux du piano. C’est en effet dans la nuit du 16 au 17 octobre 1849 que Chopin quittait ce monde après seulement trente-neuf années passées parmi nous.
Il arrive encore qu’on regarde de haut l’œuvre de Chopin, exprimant une sympathie condescendante pour ce musicien qui serait facile, mondain, et dont les œuvres trahiraient une sensiblerie due à ses amours malheureuses et à sa fragilité pulmonaire.
Bien au contraire, la musique de Chopin étonne par de nombreux aspects novateurs. Le génie mélodique de Chopin qui va au-delà de la simple arabesque décorative – sauf peut-être dans quelques pièces de moindre importance – sait exprimer soit une atmosphère solaire ou irréelle, soit une nostalgie très pudique, soit un désespoir métaphysique mais jamais sentimental. Son inspiration très personnelle révèle une grande profondeur, comme dans les 24 Préludes, sorte d’itinéraire spirituel avec une alternance heureuse entre des pages lumineuses et des pages sombres, dans les Scherzos où Chopin nous emmène dans un imaginaire oppressant, hallucinatoire, ou dans ces poèmes symphoniques pour piano que sont les Ballades, la Polonaise-Fantaisie, la 2ème sonate et dans lesquelles se manifeste son sens de l’épopée dramatique. Enfin la modernité de son écriture (nouveauté du style, de la technique pianistique, magie des accords et des modulations) éclate dans les 24 Préludes, les Etudes, le Prélude op.45, la 4ème Ballade, la Barcarolle, les derniers Nocturnes…
A ceux qui pensaient qu’il n’était plus possible de graver de nouvelles versions de référence de l’œuvre de Chopin, tant ce compositeur adulé des pianistes et des mélomanes a donné lieu, dès l’avènement du phonographe, à une pléthore d’enregistrements, Nelson Gœrner vient apporter un parfait démenti avec une sublime intégrale des Nocturnes, ces Nocturnes qui, comme le dit si bien Jean-Yves Clément, « témoignent de cette expression où l’on chante avant tout, par-dessus-tout, à pleins poumons, jusque dans le désespoir », ces nocturnes dont l’écriture de plus en plus complexe au fil des pages inspirera de nombreux compositeurs, à commencer par Gabriel Fauré.
Frédéric Boucher, pour Au bonheur du piano, 17 octobre 2017
Chopin, Intégrale des Nocturnes, Nelson Gœrner, Alpha Classics
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